martes, 28 de febrero de 2012

Les Fleurs du Mal (I)

Correspondances

La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.
--

Correspondencias

Naturaleza es templo donde vivos pilares
dejan salir a veces sus confusas palabras;
por allí pasa el hombre entre bosques de símbolos
que lo observan atentos con familiar mirada

Como muy largos ecos de lejos confundidos
en una tenebrosa y profunda unidad,
vasta como la noche, como la claridad
perfumes y colores y sones se responden

Hay perfumes tan frescos como carnes de niños,
dulces como el oboe, verdes como praderas,
y hay otros corrompidos, ricos y triunfantes.

que la expansión poseen de coass infinitas,
como el almizcle, el ámbar, el benjuí y el incienso,
que cantan los transportes del alma y los sentidos

--

Le masque

Contemplons ce trésor de grâces florentines ;
Dans l'ondulation de ce corps musculeux
L'Elégance et la Force abondent, sœurs divines.
Cette femme, morceau vraiment miraculeux,
Divinement robuste, adorablement mince,
Est faite pour trôner sur des lits somptueux
Et charmer les loisirs d'un pontife ou d'un prince.

– Aussi, vois ce souris fin et voluptueux
Où la Fatuité promène son extase ;
Ce long regard sournois, langoureux et moqueur ;
Ce visage mignard, tout encadré de gaze,
Dont chaque trait nous dit avec un air vainqueur :
"La Volupté m'appelle et l'Amour me couronne !"
A cet être doué de tant de majesté
Vois quel charme excitant la gentillesse donne !
Approchons, et tournons autour de sa beauté.

O blasphème de l'art ! ô surprise fatale !
La femme au corps divin, promettant le bonheur,
Par le haut se termine en monstre bicéphale !
– Mais non ! ce n'est qu'un masque, un décor suborneur,
Ce visage éclairé d'une exquise grimace,
Et, regarde, voici, crispée atrocement,
La véritable tête, et la sincère face
Renversée à l'abri de la face qui ment.
Pauvre grande beauté ! le magnifique fleuve
De tes pleurs aboutit dans mon cœur soucieux,
Ton mensonge m'enivre, et mon âme s'abreuve
Aux flots que la Douleur fait jaillir de tes yeux !

– Mais pourquoi pleure-t-elle ? Elle, beauté parfaite,
Qui mettrait à ses pieds le genre humain vaincu,
Quel mal mystérieux ronge son flanc d'athlète ?

– Elle pleure insensé, parce qu'elle a vécu !
Et parce qu'elle vit ! Mais ce qu'elle déplore
Surtout, ce qui la fait frémir jusqu'aux genoux,
C'est que demain, hélas ! il faudra vivre encore !
Demain, après-demain et toujours ! – comme nous !

--

La máscara

Contemplemos este tesoro de gracias florentinas;
En la ondulación de este cuerpo musculoso
La Elegancia y la Fuerza abundan, hermanas Divinas.
Esta mujer, trozo verdaderamente milagroso,
Divinamente robusta, adorablemente delgada,
Está hecha para reinar sobre lechos suntuosos,
Y encantar los ocios de un pontífice o de un príncipe.

—Por eso, contemplo esa sonrisa, fina y voluptuosa
En que la fatuidad pasea su éxtasis;
Esa prolongada mirada taimada, lánguida y burlona;
Ese rostro delicado, realzado por la gasa,
Del que cada rasgo nos dice con aire vencedor:
"¡La Voluptuosidad me llama y el Amor me corona!"
A este ser dotado de tanta majestad
—¡Ved que encanto excitante la gentileza le otorga!
Aproximémonos, y giremos en torno a su belleza.

¡Oh, blasfemia del arte! ¡Oh, sorpresa fatal!
¡La mujer de cuerpo divino, prometiendo la ventura,
Por lo alto termina en un monstruo bicéfalo!

—¡Pero, no! Sólo es una máscara, un decorado engañoso,
Este rostro iluminado por una exquisita mueca,
Y, mira, aquí, crispada atrozmente,
La verdadera cabeza, y el sincero rostro
Vuelto al abrigo de la cara que miente.
¡Pobre gran belleza! ¡El magnífico río
De tus lágrimas vuélcase en mi corazón receloso;
Tu mentira me embriaga, y mi alma se abreva
En los raudales que el Dolor hace brotar de tus ojos!

—Pero, ¿por qué llora ella? Ella, beldad perfecta
Que pondría a sus plantas al género humano vencido,
¿Qué mal misterioso corroe su flanco de atleta?

— ¡Ella llora, insensata, porque ella ha vivido!
¡Y porque vive! Pero, lo que ella deplora
Sobre todo, lo que la hace temblar hasta las rodillas,
Es que mañana, ¡ah! ¡tendrá que vivir todavía!
¡Mañana, pasado mañana y siempre! — ¡Como nosotros!

--

De profundis clamavi

J'implore ta pitié, Toi, l'unique que j'aime,
Du fond du gouffre obscur où mon coeur est tombé.

C'est un univers morne à l'horizon plombé,
Où nagent dans la nuit l'horreur et le blasphème;

Un soleil sans chaleur plane au-dessus six mois,
Et les six autres mois la nuit couvre la terre;
C'est un pays plus nu que la terre polaire
— Ni bêtes, ni ruisseaux, ni verdure, ni bois!

Or il n'est pas d'horreur au monde qui surpasse
La froide cruauté de ce soleil de glace
Et cette immense nuit semblable au vieux Chaos;

Je jalouse le sort des plus vils animaux
Qui peuvent se plonger dans un sommeil stupide,
Tant l'écheveau du temps lentement se dévide!

--

De profundis clamavi

Imploro tu piedad, Tú, el único que yo amo,
Desde el fondo del abismo oscuro donde mi corazón ha caído.

Es un universo triste de horizonte plúmbeo,
Donde flotan en la noche el horror y la blasfemia;

Un sol sin calor se cierne por encima seis meses,
Y los otros seis la noche cubre la tierra;
Es un lugar más desnudo que la tierra polar;
— ¡Ni bestias, ni arroyos, ni verdor, ni bosques!

Pues bien, no hay horror en el mundo que supere
La fría crueldad de este sol de hielo
Y esta inmensa noche semejante al viejo Caos;

Envidio la suerte de los más viles animales
Que pueden sumergirse en un sueño estúpido,
¡A tal punto la madeja del tiempo lentamente se devana!

--

Charles Baudelaire

No hay comentarios: