Dans des fauteuils fanés des courtisanes vieilles,
Pâles, le sourcil peint, l'œil câlin et fatal,
Minaudant, et faisant de leurs maigres oreilles
Tomber un cliquetis de pierre et de métal ;
Autour des verts tapis des visages sans lèvre,
Des lèvres sans couleur, des mâchoires sans dent,
Et des doigts convulsés d'une infernale fièvre,
Fouillant la poche vide ou le sein palpitant;
Sous de sales plafonds un rang de pâles lustres
Et d'énormes quinquets projetant leurs lueurs
Sur des fronts ténébreux de poètes illustres
Qui viennent gaspiller leurs sanglantes sueurs
Voilà le noir tableau qu'en un rêve nocturne
Je vis se dérouler sous mon œil clairvoyant.
Moi-même, dans un coin de l'antre taciturne,
Je me vis accoudé, froid, muet, enviant,
Enviant de ces gens la passion tenace,
De ces vieilles putains la funèbre gaieté,
Et tous gaillardement trafiquant à ma face,
L'un de son vieil honneur, l'autre de sa beauté!
Et mon cœur s'effraya d'envier maint pauvre homme
Courant avec ferveur à l'abîme béant,
Et qui, soûl de son sang, préférerait en somme
La douleur à la mort et l'enfer au néant!
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El Juego
En los sillones marchitos, cortesanas viejas,
Pálidas, las cejas pintadas, la mirada zalamera y fatal,
Coqueteando y haciendo de sus magras orejas
Caer un tintineo de piedra y de metal;
Alrededor de verdes tapetes, rostros sin labio,
Labios pálidos, mandíbulas desdentadas,
Y dedos convulsionados por una infernal fiebre,
Hurgando el bolsillo o el seno palpitante;
Bajo sucios cielorrasos una fila de pálidas arañas
Y enormes quinqués proyectando sus fulgores
Sobre frentes tenebrosas de poetas ilustres
Que acuden a derrochar sus sangrientos sudores;
He aquí el negro cuadro que en un sueño nocturno
Vi desarrollarse bajo mi mirada perspicaz.
Yo mismo, en un rincón del antro taciturno,
Me vi apoyado, frío, mudo, ansioso,
Envidiando de esas gentes la pasión tenaz,
De aquellas viejas rameras la fúnebre alegría,
¡Y todos gallardamente ante mí traficando,
El uno con su viejo honor, la otra con su belleza!
¡Y mi corazón se horrorizó contemplando a tanto infeliz
Acudiendo con fervor hacia el abismo abierto,
Y que, ebrio de sangre, preferiría en suma
El dolor a la muerte y el infierno a la nada!
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Brumes et pluies
Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.
Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.
Rien n'est plus doux au coeur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,
Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
- Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.
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Brumas y lluvias
¡Oh, finales de otoño, inviernos, primaveras cubiertas de lodo,
Adormecedoras estaciones! yo os amo y os elogio
Por envolver así mí corazón y mi cerebro
Con una mortaja vaporosa y en una tumba baldía.
En esta inmensa llanura donde el austro frío sopla,
Donde en las interminables noches la veleta enronquece,
Mi alma mejor que en la época del tibio reverdecer
Desplegará ampliamente sus alas de cuervo.
Nada es más dulce para el corazón lleno de cosas fúnebres,
Y sobre el cual desde hace tiempo desciende la escarcha,
¡Oh, blanquecinas estaciones, reinas de nuestros climas!,
Que el aspecto permanente de vuestras pálidas tinieblas,
—Si no es en una noche sin luna, uno junto al otro,
El dolor adormecido sobre un lecho cualquiera.
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Le vin du solitaire
Le regard singulier d'une femme galante
Qui se glisse vers nous comme le rayon blanc
Que la lune onduleuse envoie au lac tremblant,
Quand elle y veut baigner sa beauté nonchalante;
Le dernier sac d'écus dans les doigts d'un joueur;
Un baiser libertin de la maigre Adeline;
Les sons d'une musique énervante et câline,
Semblable au cri lointain de l'humaine douleur,
Tout cela ne vaut pas, ô bouteille profonde,
Les baumes pénétrants que ta panse féconde
Garde au coeur altéré du poète pieux;
Tu lui verses l'espoir, la jeunesse et la vie,
- Et l'orgueil, ce trésor de toute gueuserie,
Qui nous rend triomphants et semblables aux Dieux!
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El vino del solitario
La mirada singular de una mujer galante
que se dirige hacia nosotros como el rayo blanco
que la luna ondulante envía al lago estremecido,
cuando ella allí quiere bañar su belleza fascinante;
la última bolsa de escudos en los dedosde un jugador
un beso libertino de la delgada Adelina;
los sones de una música enervadora y minosa,
semejante al grito de un humano dolor,
todo esto no vale, oh, botella profunda,
los bálsamos penetrantes que tu panza fecunda
guarda para para el corazón alterado del poeta piadoso;
tú le viertes la esperanza, la juventud y la vida,
-¡ y el orgullo, este tesoro de toda miseria,
que nos hace triunfantes y semejantes a los dioses!.
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